Laissez-moi d’abord reposer là quelques définitions :
Curatif = Qui concerne, qui a pour objet ou pour propriété de guérir.
Palliatif = Qui atténue ou supprime les symptômes d’une maladie sans la guérir ou sans agir sur sa cause.
Guérir = Délivrer d’un mal physique ; rendre la santé (à quelqu’un)
Alors pour commencer, quand estime-t-on qu’on a guéri une fourbure ?
Un pied est dit fourbu lorsque P3 n’est plus à sa place. Une crise de fourbure par contre, c’est lorsque la douleur surgit dans les pieds, que P3 bouge ou non : dans tous les cas de crises de fourbure, il y a SYSTEMATIQUEMENT des lésions au niveau des lamelles, mais pas forcément un mouvement de P3 (bien que cela reste plutôt rare).
Donc pour guérir la fourbure, il faut agir sur la cause de ladite fourbure. MAIS pour guérir le cheval fourbu, c’est-à-dire celui pour qui P3 s’est déplacé dans le pied, il faut s’occuper de la conséquence, c’est-à-dire de la réhabilitation du pied.
La fourbure est une maladie qui est en réalité…une « sous-maladie » : elle découle systématiquement d’une autre pathologie. En tant que telle, on peut la prévenir en gérant la pathologie de laquelle elle a découlé (et qui est hélas différente pour chaque cheval, d’où la difficulté de la prévention). Je n’aime pas dire que la fourbure n’est qu’un symptôme d’une autre maladie. Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas totalement vrai non plus. Qu’elle découle ou non d’une autre maladie, la fourbure est une pathologie du pied à part entière : on doit la prendre en charge de manière globale, mais aussi de manière locale et spécifique sur les pieds.
Ici je souhaite donc parler du cheval fourbu : celui qui a des dégâts au niveau des pieds. Je ne parlerai pas de prévention mais UNIQUEMENT du fait de réhabiliter des pieds fourbus.
Revenons-en à notre question de départ, à savoir quand on passe du curatif au palliatif. J'y répondrai par une autre question : et s’il y avait quelque chose entre les deux ?
Dans mon article Oui ça guérit, j’expliquais qu’une fourbure prise en charge CORRECTEMENT et RAPIDEMENT au moment de la crise pouvait se remettre complètement. Peut-être restera-t-il quelques lésions dans le pied…mais au final quand je fais le bilan autour de moi, les gens de mon âge (42 ans) ont tous leurs petits problèmes. Et même gros problèmes pour ma part. Cela veut-il dire que, par charité, il faille m’abattre ? J’espère bien que non !
Dans une vidéo que j’ai publiée il y a quelques temps, j’avais montré les conséquences à long terme de la fourbure chronique. Cette vidéo avait impresssionné beaucoup de gens…et je dois avouer que c’était bien mon but : montrer ce qui finit immanquablement par arriver quand on ne prend pas correctement en charge la fourbure. Et montrer ce qui arrive quand on part du principe que la fourbure ne se guérit pas. Dans ce cas là on a TOUJOURS raison : quand on part du principe qu’une bascule est irréversible, on ne met pas en place de parage de réhabilitation et, généralement, la dernière phalange de nos chers équidés finit par ressembler à ça !
Clairement, à ce stade, il n’y a plus grand-chose à faire. On a depuis lonnnnngtemps basculé dans le palliatif. Palliatif qui n’a d’ailleurs jamais été mis en place. Pour en arriver là, ces deux ponettes ont été laissées longtemps à l’abandon. Je ne suis pas là pour juger qui que ce soit. A ma connaissance le propriétaire d’une des deux ponettes a été vraiment malade et malgré toutes nos belles idéologies, à certains moments de nos vies, on fait ce que l’on peut. Le point sur lequel je veux insister est que je suis absolument persuadée qu’ils ont entendu au moins une fois que la fourbure était irréversible. Ce dont nous savons maintenant que c’est faux.
Je le redis, à ce stade les lésions sont beaucoup trop avancées et ne relèvent plus de la fourbure en elle-même : on a non seulement une énorme lyse osseuse, mais surtout des calcifications de toutes les articulations des sabots. Donc ici, on ne peut qu’espérer soulager un peu la souffrance, ou décider de l’abréger par une euthanasie.
Mais où est donc cet entre-deux dont je parlais, me demanderez-vous ?
Et bien cet entre-deux, c’est quand il y a des lésions…mais que le cheval fait avec ! Ça n’empêchera pas la réhabilitation, mais les séquelles resteront présentes à jamais. A vrai dire c’est le cas de la plupart des fourbus que j’accompagne. On aide à remettre P3 à sa place (oui ok, à faire revenir la boite cornée correctement autour de P3 !). Mais on ne remet pas d’os là où il n’y en a plus. En ce qui concerne les tissus par contre, je ne serais pas aussi formelle.
A ce stade de l’article, je vais me contenter de faire des suppositions car je n’ai pas (encore) eu l’occasion d’étudier le pied du cheval sous cet angle. La question que je me pose est : une revascularisation est-elle possible ? Et je suis persuadée que oui. Ma jument Fantasia a eu une énorme fracture du crâne cet hiver. J’ai mis en images ici toute l’évolution de sa blessure, du jour de l’accident jusqu’à la fin de la cicatrisation. Si vous êtes sensible, je vous déconseille très fortement d’aller voir. Sinon, ça vaut vraiment le coup d’œil. En deux mois, des zones qui étaient complètement vide, où il n’y avait même plus de chair, se sont refaites complètement. Si c’est possible sur le crâne d’un cheval, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas possible dans ses pieds. Mais bien-sûr ça reste une hypothèse, il est aussi possible que la vascularisation ne se refasse pas.
Pour le vérifier, il faudrait que j’ai l’opportunité de faire des phlébogrammes à des chevaux fourbus chroniques avant, pendant et après réhabilitation. Et même longtemps après réhabilitation. Mais je ne suis ni vétérinaire, ni riche au point de payer ce genre d’examens à d’autres juste pour valider mes théories. J’espère qu’un jour quelqu’un le fera.
Nota : quand je parle de réhabilitation, selon ma définition, c’est quand P3 est revenue à 100% à sa place SANS AUCUNE TRICHERIE. J’entends par là sans aucun travail de pariétal qui viendrait donner l’illusion à la radio que la paroi est parallèle à la phalange….comme ici. Si cette radio vous fait douter, je vous donne l’explication dans cet article.
Donc au final cet entre-deux ? Et bien on est toujours dans de la réhabilitation selon moi, mais avec une radio qui ne sera pas parfaite puisque P3 elle-même n’est plus parfaite. Mais ça n’empêchera pas qu’à la radio, le cheval ne soit plus fourbu (au sens de bascule et de descente distale dans le pied).
Le palliatif au final, c’est quand la fourbure n’est plus vraiment le problème.
Et si vous n’arrivez pas à réhabiliter les pieds ? Deux possibilités : soit quelque chose cloche dans la méthodologie (parfois c’est juste bêtement le délai entre les parages qui est trop long), soit la cause n’est pas réglée et c’est elle qui maintient la fourbure en place. Mais ce sera le sujet d’un autre article. 😉
Ping : Oui, ça guérit ! (ou : la fourbure est-elle vraiment irréversible ?) - Catherine Seingry Equiholistique