Je l’ai écrit de nombreuse fois : on ne touche JAMAIS la sole, surtout chez un cheval fourbu.
Pourtant je voudrais ici pondérer ce propos.
Je n'ai pas changé d'avis
Je reste toujours aussi persuadée que tailler la sole d’office chez un cheval fourbu en pensant ainsi supprimer la pression interne sous P3 est une mauvaise idée. La pression interne vient de P3 qui pèse sur le chorion solaire, pas l’inverse. Si les connections lamellaires ont lâché, tailler la sole est parfois la goutte d’eau qui conduit à la perforation. De plus, même si la fourbure est stabilisée, tailler la sole en gardant les talons hauts va amplifier mécaniquement la bascule en cassant encore plus l’angle inter phalangien. Cela va aussi amplifier la douleur directement sous la pointe de P3.
Ici la sole a été taillée au maximum…jusqu’à la perforation. Et à chaque fois qu’elle repoussait, le professionnel qui s’occupait des pieds la retaillait, quitte à le faire saigner. Il semblait trouver étrange cette matière molle qui réapparaissait à chaque fois sous P3. Cette matière étrange…c’était la sole qui repoussait, mais qui n’était pas encore assez épaisse pour être « dure ».
Ici c’est un cas assez extrême bien-sûr, mais au final pas si rare. Généralement les chevaux sont euthanasiés avant d’en arriver là, alors qu’ici ça aurait pu être totalement évité. Rassurez-vous, quelques mois plus tard, ce poney galopait de nouveau !
Certains chevaux ont besoin d'aide
Là où je souhaite pondérer mon propos, c’est que certains chevaux fourbus chroniques développent des soles parfois d’une épaisseur alarmante. Et sur ces chevaux là (qui sont en réalité le plus souvent des poneys), si on n’aide pas un peu la nature, on peut se retrouver avec une cheval littéralement sur des échasses. C’est aussi fréquent chez les chevaux souffrant d’un PPID (cushing équin). Et cela arrive aussi régulièrement chez des petits poneys pourtant sains, mais dont les pieds sont si petits qu’on n’arrive pas à les parer correctement, notamment au niveau des barres et des talons.
On peut parfois avoir l’illusion d’être au maximum de ce qu’on peut enlever au niveau de la paroi…et se retrouver avec des pieds très rapidement longs et déformés. Et là c’est le drame car on ne sait plus quoi faire : il n’y a plus AUCUN repère qui est à sa place sur le pied.
Si vous vous trouvez dans ce cas, mon propos peut paraître très commercial mais je vous recommande vraiment de vous faire aider. Par moi ou par quelqu’un d’autre, peu importe. L’essentiel est d’agir…et surtout bien-sûr d’agir dans le bon sens.
Pour illustrer mon propos, voici le pied d’un adorable petit poney que j’ai rencontré au cours d’un stage.
Sur ces deux photos, on peut observer plusieurs points :
- d’abord, toutes les structures sont complètement migrées, au point que l’apex de la fourchette arrive à à peine 1cm de l’avant de la sole. Pour vous donner une idée, la distance entre le point de bascule et l’apex devrait être de la moitié de la longueur de la fourchette.
- Sur la vue solaire, on pourrait penser que la paroi est très longue et qu’il manque juste « un bon parage », mais quand on observe la photo de biais, on se rend compte que si on faisait un biseau à 45° en partant du bord de la sole, on n’enlèverait quasiment aucune matière.
- Le pied est extrêmement concave (très creux)
- Enfin, non seulement les talons sont vraiment longs, mais en plus les barres prennent la moitié de la sole (je les ai repassées en jaune pour bien les distinguer).
J’avoue que pour parer les pieds de ce poney, j’ai eu tellement de mal à tailler les barres que j’ai bien dû prendre 1h ou 1h30 pour les 4 pieds ! On ne se rend pas bien compte mais ses pieds sont vraiment tout petits et aucun outil n’était vraiment adapté (et comme j’avais plusieurs stagiaires avec moi, j’avais pourtant pas mal d’outils à ma disposition !)
Avant qu’il y ait le moindre malentendu, ce poney était paré toutes les 4 semaines de la bonne manière mais pas « assez ». Je veux dire par là qu’il aurait simplement fallu ôter plus de matière à certains endroits. Non seulement il s’agit d’un mini poney (80cm de mémoire), mais en plus d’être fourbu chronique, il a un PPID, ce qui explique la vitesse de pousse et son orientation.
Voici maintenant le même pied vu de profil, avant et après parage. J’ai mis les photos à la même échelle pour que l’observation soit vraiment objective. Que constate-t-on ?
A gauche on peut voir la hauteur excessive du pied. Les talons qui paraissaient très longs sur la photo en vue solaire ne sont finalement pas si hauts que ça par rapport à l’avant du pied ! D’autant plus que c’est un poney, et que comme la plupart des poneys il est droit jointé. Chez ce poney, c’est vraiment TOUT LE PIED qui est haut. Pourquoi ? Parce qu’il a fait des sur-épaisseurs de sole. Si vous préférez, une grande partie de sa sole est de la sole compactée.
J’ai légèrement descendu les talons, mais pas de manière excessive: en réalité j’ai descendu tout le pied.
Et pour cela, j’ai OSE enlevé une partie de la sole. Je n’avais pas le choix si je voulais agir en vue d’une réhabilitation.
Le résultat ? La surface portante a franchement reculé et le centre de gravité du pied est à la fois plus en arrière et plus bas. Regardez l’arrière du pied : à gauche il y a un espace vide alors qu’à droite la colonne osseuse se retrouve au dessus des talons. Le poids du cheval sera donc porté par l’arrière de son pied et non plus par ses tendons.
Je pourrais m’arrêter là mais je voudrais vous montrer à quoi aurait ressemblé le pied si je m’étais cantonnée à mon propre dogme, à savoir ne JAMAIS toucher la sole :
Sur ces photos, j’ai fait un parage intermédiaire. Je venais de passer environ 30 minutes à retirer les barres (je vous jure !!), et le parage ne me plaisait absolument pas. Je suis passée aux postérieurs en me disant que je reviendrai à ce pied plus tard. Et là une chose intéressante s’est passé : toute une plaque de sole est partie d’un coup.
Je suis donc retournée devant, j’ai saisi la sole avec ma petite pince…j’ai tiré…elle est est partie presque d’un seul bloc. Cette plaque de sole VOULAIT partir mais elle était coincée par les barres ! Une fois ce premier antérieur fini, les autres pieds ont été plus rapides à faire et la sole est partie de la même manière sur chacun d’entre eux.
Et voilà ce qui s’est passé :
- Le pied a retrouvé une concavité normale (alors qu’avant elle était excessive)
- L’apex de la fourchette a retrouvé sa vraie place
- L’avant du pied a été libéré de l’énorme masse qui se trouvait sous la pince (je n’ai pas gratté la sole, j’ai juste ôté ce qui s’est détaché en tirant dessus)
En résumé, mon poney avait retrouvé une vue solaire normale et équilibrée, ce qui signifie que les structures internes allaient pouvoir recommencer à fonctionner normalement. Bien entendu, mon poney était toujours fourbu, mais on allait pouvoir repartir sur des bases saines.
Pour conclure, voici une liste non exhaustive de quand on peut (on doit ?) toucher à la sole
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- Quand la sole s’exfolie d’elle-même (dans ce cas là on gratte avec une brosse métallique)
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- quand on a un excès de sole compactée (en cas de doute, la radio est LE meilleur outil pour ne pas faire de bêtise : personne, je dis bien PERSONNE n’a de rayons X dans les yeux)
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- quand le cheval se retrouve en APN à cause d’un excès de sole en pince (à la base ça ne vient pas du pied, mais comme la conséquence est au niveau du pied, on corrige cela par le parage…sinon gare à l’effet boomerang sur les articulations et sur le dos)
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- quand on pare un âne
Et bien entendu, en cas de doute, mieux vaut s’abstenir et demander de l’aide à un professionnel plutôt que de faire un geste qu’on pourrait regretter.