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Le parage : geste simple ou acte mystique ?

Aujourd'hui, il semble encore que deux courants s'affrontent

Il y a, d’un côté, ceux qui pensent que parer est quelque chose de simple, et de l’autre, ceux qui prétendent que c’est quelque chose de terriblement compliqué (intellectuellement parlant). 

On m’a un jour dit  : « Pour réhabiliter un cheval fourbu il faut faire de longues études, ça demande des années d’expérience, jusqu’à 10 ans d’études et de pratique ». 

Si c’est vrai, comment se fait-il que moi, Catherine, simple novice à l’époque, j’ai réussi à réhabiliter totalement seule Tristam, mon poney chéri, à un stade de fourbure chronique avancé ? Comment se fait-il qu’Utopia n’ait aujourd’hui absolument aucun signe de fourbure sur les pieds malgré sa grosse crise d’il y a 2 ans ?

La réponse est simple ! Je suis particulièrement douée ! C’est aussi simple que ça ! Ou pas… (je plaisante bien-sûr)

Ou peut-être que c’est le parage qui est finalement simple ? Et qu’une fois qu’on a compris le pied de manière globale, on peut parer ses chevaux sans dommages et même les réhabiliter seul ? 

Bien entendu je ne suis pas plus douée que n’importe qui. Mais peut-être effectivement que le fait de m’intéresser au pied du cheval spécifiquement au travers de la fourbure m’a fait le regarder et le comprendre autrement. 

Et aujourd’hui quand j’enseigne ce que j’ai compris et appris, j’essaie de transmettre ma vision qui ce résume en cette phrase :

Le pied du cheval c'est simple ! (et c'est un tout)

Avez-vous besoin de connaître le nom des veines et le nombre de ligaments dans le pied pour savoir parer un cheval ? Absolument pas. Est-ce un plus de connaître le nom latin de toutes les structures internes ? Oui…si vous avez des problèmes d’égo. Les ai-je étudiés ? Oui. Les ai-je tous retenus ? Non. 

Je fais BEAUCOUP de vulgarisation scientifique. Connaître le nom scientifique des structures me permet de lire de la littérature scientifique et de comprendre ce que je lis. Mais quand je discute avec de vraies personnes, qu’elles soient profanes ou professionnelles, je ne ressens ni le besoin ni l’intérêt de me faire passer pour une grande intellectuelle. Par contre je ressens le besoin d’être sûre d’être comprise. 

Ma vision du parage s’appui principalement sur trois points : 

Ce sont les trois piliers de ma méthode. Quand j’emploie le mot « méthode », je parle avant tout de lecture du pied. Chacun de mes parages est interdépendant de ce que m’a dit le pied. Je ne pare JAMAIS deux chevaux de la même manière. Par contre je m’appuie toujours sur les trois principes que j’ai énumérés ci-dessus en ajoutant celui-ci :
  • Ramener les structures du pied en équilibre autour de P3
Les maladies du type « crapaud » ne sont pas de mon ressort, elles relèvent d’un vétérinaire et/ou d’un maréchal ferrant dûment formés. Les seimes par contre, relèvent pour la plupart de la podologie. Mais certaines sont liées à des blessures de couronne ou a des carences alimentaires. Certaines encore semblent être des cas mystère…
 
J’étais partie pour étayer mon point de vue par de nombreux exemples, mais je n’en prendrai qu’un : le cas de ma jument Fantasia dont je parlerai un peu plus bas.

Lésion de la matrice !

Version mystique : c’est une lésion de la matrice ! 

C’est ce que m’a fermement affirmée une podologue « super » compétente sur le même pied présenté après parage.

Soyons clairs, « matrice » ça ne parle pas à grand monde…alors « lésion de la matrice », n’en parlons pas. Une « lésion de la matrice », ça sous-entendrait qu’il y aurait une lésion qui serait apparue au milieu de la couronne, tout en haut de la paroi. C’est impossible à démontrer…sauf en disséquant le pied.  Bien entendu, comme c’est une lésion de la matrice, on n’y peut rien, IL FAUT donc mettre en place un parage « mystique » pour soulager le pied. Et un parage mystique, il n’y a qu’un podologue hyper compétent et spécifiquement formé qui puisse le faire pour vous !

Pour être honnête, sur le coup je me suis sentie un peu bête : pour moi c’était un simple éclat de la paroi. Sur cette image, Utopia avait fait une belle crise de fourbure et elle était trop douloureuse pour pouvoir être paré tout de suite. De plus, elle se tient toujours un peu sous elle au repos, reportant son poids au niveau de la pince, ce qui fragilise la paroi à l’avant du pied. 

Ah oui, détail que j’ai omis de mentionner, ma jument avait tendance à déposer ses pieds en pince. Pour moi il s’agissait donc d’un problème purement (bio)mécanique…pas d’une grave lésion interne pour laquelle il me fallait faire intervenir une VRAIE podologue ! Cette histoire de lésion de la matrice m’est restée quelques semaines en tête.

Au moins dans le cas de ma jument, cette théorie me paraissait assez farfelue…d’autant plus que Fantasia présente le même défaut ! Et…elle aussi dépose ses pieds en pince lorsqu’elle marche. Ce défaut de locomotion n’a rien à voir avec un problème de parage, ce sont pour mes deux juments des compensations liées à des problèmes ostéo-articulaires. J’en parle plus en détail durant mes stages. 😉 D’ailleurs pour Utopia, le problème est aujourd’hui réglé. 

Une expérience (totalement involontaire) sur ma jument Fantasia

2 décembre 2022 : 1er parage

J’ai pris ces deux photos lors d’un parage de ma jument Fantasia, afin d’essayer de comprendre le problème : à chaque parage, Fantasia présentait un trait horizontal au milieu de la paroi de ses deux antérieurs. Si effectivement c’était un problème de lésion de la matrice comme on me l’avait affirmé, alors effectivement je n’avais rien compris. 

Fantasia a aussi des seimes superficielles qui remontent tout le long de sa paroi et que je n’ai jamais réussi à totalement éradiquer. Il y a quelques années, mon maréchal les avait creusées, mais au final ça n’avait pas réglé le souci et les pieds ont continué à pousser de cette manière. 

Ces seimes font moins d’1 mm de profondeur, elles ne gênent en rien le pied, j’ai donc fini par ne plus y prêter vraiment attention. Enfin jusque-là… Parce que jusque-là, j’étais convaincue de savoir la cause. 

Mais cette histoire de lésion de la matrice, si la fameuse podologue avait raison, alors c’était plus important que ce que je pensais. J’étais même carrément à côté de la plaque !

Je vous explique donc ma théorie de l’époque :  

Fantasia a un accrochement de la rotule (léger) du postérieur gauche. C’est quelque chose en réalité assez fréquent chez les jeunes chevaux. Ça ne provoque vraisemblablement pas de douleur, mais c’est forcément gênant et ça impacte la locomotion. Plus précisément, ça donne des compensations importantes au niveau locomoteur. 

Dans le cas de Fantasia, la principale conséquence est qu’elle reporte trop de poids sur les antérieurs et qu’elle dépose donc ses pieds en pince. L’accrochement étant sur le postérieur gauche, elle reporte son poids sur l’épaule gauche. La plupart des chevaux auront plutôt une compensation sur le membre diagonal, mais chez elle, la compensation est latérale. Comme (en plus !) elle est fortement cagneuse des antérieurs, le dépôt de l’antérieur gauche se fait de manière légèrement latérale. Plus concrètement, cela signifie que l’impact au sol se fait d’abord sur la mamelle du côté extérieur du pied. Jusque là ce n’est pas de la théorie mais de l’observation pure à l’aide d’un super outil : la vidéo. 

Ma théorie était donc très simple : les fameuses seimes superficielles ainsi que la cassure horizontale au niveau de la paroi n’étaient que le symptôme d’un problème purement locomoteur, à savoir le dépôt du pied en pince. 

7 décembre 2022 : l'accident

Ce jour là, je devais emmener ma fille à une fête de Noël. J’avais prévu de partir dès le matin pour aller faire quelques courses en ville, je suis donc allée voir mes chevaux avant de partir pour m’assurer que tout allait bien et leur remettre du foin. 

Je suis sortie de la maison et j’ai vu ma jument au loin…de l’autre côté de la clôture. Utopia aussi était dehors, alors qu’elle est habituellement très respectueuse des fils. Fantasia…c’est une autre histoire. Quoi qu’il en soit, ce n’était vraiment pas normal.

De loin j’ai vu que quelque chose n’allait pas. Et plus je m’approchais, plus une vision d’horreur m’envahissait. 

Fantasia avait le crâne littéralement ouvert en deux. J’étais tellement sous le choc que sur le coup je n’ai pas compris ce que je voyais. L’os nasal était broyé, il y avait un énorme trou laissant apparaître le vide du sinus. Les os étaient à l’air libre. et étonnamment il y avait relativement peu de sang. 

Si on m’avait dit que 2 mois plus tard, tout serait quasiment totalement refermé, avec une cicatrice presque inexistante, je n’y aurais pas cru. Et pourtant c’est vrai, au jour où j’écris cet article, il ne reste qu’une « petite » griffure (relativement à ce que c’était bien-sûr) et un petit trou au niveau du sinus ! 

Quand je dis qu’il ne faut JAMAIS perdre espoir, chacun de mes chevaux en est une preuve vivante.

Comme mon cerveau ne s'arrête jamais, une idée m'est venue...

Je fais parti des gens qui pensent sans arrêt, c’est plus fort que moi. Ne pouvant rien faire de plus pour le pauvre crâne de ma jument, je me suis mise à repenser à ses pieds. Si la cause était un problème locomoteur, une mise au repos forcée devrait rapidement régler le problème. Si par contre le problème venait de la matrice, cela signifiait que la fente horizontale partait de la couronne et qu’elle continuerait sans arrêt à descendre, repos ou pas. 

En clair, si j’avais raison, la mise au boxe de ma jument allait rapidement régler son problème de pieds. 

Pour remettre les choses dans leur contexte, la plaie de Fantasia était VRAIMENT énorme et, pour sa sécurité, il était hors de question de la laisser avec mes autres chevaux. Je lui ai donc fabriqué un boxe de fortune…en espérant qu’elle accepterait de rester dedans. Bien entendu pour minimiser les risques, sa famille a aussi été confinée à l’écurie, mais dans un espace plus vaste, avec la possibilité d’aller dehors. 

19 décembre 2022 : 2ème parage

Pour être honnête je n’ai strictement AUCUN souvenir de ce parage (c’est un peu facile me direz-vous). Tout ce que je sais, c’est que je voulais aller vite, et que c’est le premier parage que j’ai effectué sur mes trois chevaux uniquement à la meuleuse. Et en janvier lors du parage suivant, je n’étais pas totalement satisfaite de la finition du parage précédent.

Le 7 février, 2 mois exactement après l’accident

Voici la seule photo que j’ai de ce jour là. La vétérinaire venait de repartir et je culpabilisais terriblement de laisser ma jument dans cet état…pour partir le lendemain et durant toute une semaine pour voir ma famille à 1000 km de là. Ce jour-là, les pieds étaient la dernière de mes préoccupations. Il fallait juste que le parage soit fait. Et vu l’état de ma jument sous son pansement, je voulais impérativement que ce soit le plus rapide possible. Je suis donc bien incapable de vous dire ce qu’il en était à ce moment là. Et trois semaines plus tard, je me suis rendu compte que mon parage de ce jour là était vraiment vilain lol. Enfin à mon goût bien-sûr. Mais au moins il était fait.

28 décembre 2022 : première sortie

Ce jour là j’ai sorti Fantasia de son boxe pour la première fois. Je le précise car dans le contexte de ma petite « expérience » c’est important. Elle venait de passer exactement 21 jours au boxe, sans en sortir une seule fois, même pas pour vider le boxe. Et finalement, elle le vivait très bien. A partir de là, j’ai commencé à la sortir 1h, 2h…puis quelques heures par jour. Ensuite elle retournait dans son boxe jusqu’au lendemain.

10 janvier 2023 : 3ème parage

C’est là que les choses deviennent intéressantes !!

Ma jument allait bien, mon cerveau s’est donc de nouveau focalisé sur ce que je faisais à l’instant T : le parage. 

Non seulement Fantasia se remettait très bien de sa fracture du crâne, mais aussi…elle n’avait aucune lésion au niveau de la matrice ! 

La mise au repos forcée avait fait son oeuvre : son sabot avait cessé de se fissurer à chaque impact au sol

J’avoue que je m’attendais fortement à ce résultat, mais cela m’aura permis de démontrer sans le moindre doute possible (et sans avoir besoin de la disséquer !!!) que cette fente verticale était, comme je le pensais, un simple symptôme d’une compensation ostéo-articulaire

Nous sommes le 11 février, j’ai effectué mon dernier parage le 30 janvier…et j’avoue que j’ai totalement oublié de regarder ce qu’il en était. En réalité ça a peu d’importance pour moi. Tout ce que je sais, c’est que tant que son problème de rotule ne sera pas réglé, ma jument re-développera probablement ce petit défaut. Ce que je sais aussi, c’est que non seulement au niveau du pied il n’y a pas grand chose de plus à faire, mais surtout cela n’a pas la moindre conséquence. C’est uniquement un symptôme de ce qu’il se passe sur un autre membre ! 

Et si vous vous demandez ce que j’attends pour régler le problème, et bien chez les chevaux de cet âge ça se résout principalement par la remise au travail. Bien entendu tant que sa convalescence n’est pas finie, il est hors de question qu’elle travaille… Ça attendra donc encore un peu.

Et en attendant si vous avez un remède magique, je suis preneuse !

Edit du 21 février 2023 : 5ème parage

J’ai paré mes chevaux aujourd’hui et j’ai repensé à cet article. Sur les pieds de Fantasia ce matin, pas la poindre trace de ses fameuses fentes horizontales. Cela confirme bien que le problème n’a rien à voir avec une quelconque lésion de la matrice. Si cela venait du haut, ça aurait continué à descendre. Cela fait seulement deux nuits qu’elle peut rester totalement dehors, jusque-là elle ne sortait qu’une partie de la journée. On verra ce qu’il en sera lorsqu’elle pourra reprendre le travail.

Edit du 13 mars 2023 : 6ème parage

Toujours rien à signaler, aucun retour d’une quelconque fente horizontale.

Oui, je partage principalement le cas de mes chevaux

Pourquoi est-ce que je le précise ici ? Tout simplement parce que cette même podologue me l’a reproché publiquement pour tenter de me décrédibiliser. Sur le coup j’ai trouvé ça étrange comme reproche. Voulait-elle sous-entendre que je ne n’avais pas de clients…ou alors que je n’avais de résultats qu’avec mes propres chevaux ? (ce qui en soit serait déjà bien si c’était vrai)

A vrai dire peu importe, je continuerai de partager le cas de mes chevaux. La vérité, c’est que ce sont de magnifiques sujets d’expérience : je sais où ils sont nés (chez moi), je connais parfaitement leur génétique et toutes leurs conditions d’élevage. Je sais exactement ce qui leur arrive jour après jour, puisqu’ils vivent avec moi. Et depuis un certain temps maintenant, je suis la seule à toucher leurs pieds.

Donc au moindre changement dans l’état de leurs sabots ou dans leur corps, j’ai tout loisir de chercher dans leur environnement ce qui a pu changer. 

Il y a exactement un an, ma Cambridge s’en est allée. Elle allait avoir 32 ans et elle partageait ma vie depuis 26 belles années. Ça a été un choc autant pour moi que pour mes trois chevaux restants. Elle était là à la naissance de chacun d’entre eux, c’était vraiment le pilier de mon troupeau. J’ai vu leur comportement changer, chacun à sa manière. Quelques temps plus tard, une ligne de stress est apparue sur les pieds de chacun mes trois derniers chevaux. J’en ai parlé lors du stage, et encore une fois, cette podologue m’a soutenu que j’vais tord, sue c’était impossible, parce que ELLE, elle n’avait jamais vu ça. 

Et pourtant, j’ai pu constater à nouveau encore récemment l’effet d’un choc psychologique sur les pieds de mes chevaux. Il y a un peu plus de 3 mois, Fantasia s’est très gravement fracturé le crâne, la nuit a visiblement été traumatisante pour tout le monde : Fantasia et Tristam en ont la trace sur les pieds. Je n’ai pour l’instant rien constaté sur Utopia, bien que son comportement ai changé. 

La leçon à tirer de tout ça, c’est qu’on n’a jamais fini d’apprendre et de découvrir de nouvelles choses. Même quand on pratique depuis longtemps et qu’on se nourrit de l’illusion de tout savoir.  

Le roll des pieds de Fantasia

Je savais en choisissant de publier ces photos que la technique de roll que l’on y voit pourrait susciter quelques… Mmmm…j’appellerai simplement ça quelques interrogations ! Et bien j’y reviendrai dans un futur article. 

D’abord, à ce stade le parage n’était pas fini. Ensuite, même si elle n’est pas habituelle, cette technique (que j’appelle « le 90 ») m’a permis de passer des photos du haut aux photos du bas en quelques semaines. Ça fonctionne extrêmement bien dans les cas d’APN, d’évasements…mais aussi de fourbures.

Alors entre principes et efficacité, j’ai vite fait mon choix. 

réhabilitation Fantasia

Le pied du cheval c'est simple ! (et c'est un tout)

Je sais, je l’ai déjà dit, mais je voulais conclure là dessus. 

Un pied c’est un tout, tout est interconnecté à l’intérieur…et le pied est interconnecté au reste du corps, et même à son esprit ! Là c’est moi qui peut avoir l’air de devenir mystique, et pourtant je vois ça de manière très cartésienne. Un stress psychologique va influencer la digestion et l’équilibre hormonal notamment. Et quand de ce côté là ça ne va pas, ça se voit sur les pieds : lignes de stress, qualité médiocre le la paroi etc etc. Rien de bien mystique en somme.  

Le pied du cheval est quelque chose de simple quand on le regarde comme un tout. La parage n’a rien de mystique non plus, il suffit de se rappeler de ces 4 points : 

 Pour réhabiliter un pied fourbu, un pied en APN, un pied migré ou encore plein d’évasements, c’est exactement la même chose : quand on a compris comment ça fonctionne, c’est accessible à n’importe qui. La base finalement, c’est juste d’être capable d’évaluer le pied que l’on a devant soi. 
 

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