Si vous avez lu mon article sur la fourbure d’hiver mais que malgré ça, vous avez encore des scrupules à mettre une couverture à votre cheval fourbu, cet article est pour vous.
Si vous voulez connaître mon point de vue sur l’usage de la couverture, cet article est aussi pour vous.
Si vous êtes absolument convaincu que la couverture est une hérésie, sachez que je ne souhaite pas provoquer de polémique, je ne polémiquerai donc pas. Chacun a son avis sur le sujet, je me contente ici de partager le mien.
Une expérience qui interpelle : "le cheval serait capable de dire s'il veut ou non une couverture" (Mejdell & Co, 2016)
En fait ce qui m’interpelle dans cette expérience, c’est qu’elle se basait sur un postulat visiblement évident pour les chercheurs : certains chevaux DESIRENT avoir une couverture en hiver. Pour beaucoup de gens, cette idée est purement anthropomorphique puisqu’un cheval en bonne santé NE CRAINDRAIT PAS LE FROID…enfin selon eux. Pourtant, il s’avère que dans cette expérience, la majorité des chevaux ont souhaité être couverts et/ou le rester !
Pour quelqu’un comme moi, il est absolument évident que certains chevaux ONT ENVIE d’avoir une couverture en hiver. Mon expérience me l’a démontrée des dizaines de fois. Depuis que j’ai mes chevaux chez moi, j’ai toujours le même rituel : quand il commence à faire froid la nuit, je vais aux écuries avec une couverture dans les bras et je couvre ceux qui me le demandent. Encore une fois on va me targuer d’anthropomorphisme. Mais lorsque votre troupeau de 6 chevaux se met à se chamailler pour savoir qui passera le premier, c’est assez drôle à voir. Cambridge, ma jument la plus âgée, laissait volontiers les autres lui passer devant. Et mes plus jeunes juments y allaient à grands coups de dents pour être les premières. Aucun besoin de licol dans ces moments là. Le seul de mes chevaux que j’ai d’ailleurs toujours couvert d’office était ma pur-sang, Cambridge, ceci pour plusieurs raisons : son âge, son arthrose et sa difficulté à rester en état l’hiver. Elle s’est éteinte à 32 ans et jusqu’à plus de 30 ans elle galopait toujours en tête du troupeau, preuve que la couverture ne l’a absolument pas fragilisée.
Ceux qui auraient envie de me targuer d'anthropomorphisme, je les invite à creuser le sujet de l'anthropodéni
L’anthropodéni, c’est le fait de refuser à l’animal la capacité à ressentir des émotions/sensations que l’on attribue seulement à l’homme. Le problème, c’est qu’à voir de l’anthropomorphisme partout, on bascule vite dans l’excès inverse : l’anthropodéni.
D’ailleurs en terme de psychologie humaine, tout ne coule pas de source et les connaissances évoluent encore aujourd’hui.
Il y a encore quelques décennies, les femmes qui hurlaient à l’accouchement étaient jugées comme des « sujets » juste plus hystériques que celles qui faisaient preuve de décence en accouchant en silence !
Saviez-vous que jusque dans les années 80, on opérait les bébés sans anesthésie ? Leur système nerveux étant immatures, les hurlements étaient attribués au fait…qu’un bébé ça pleure ! Sans arrêt et pour toutes sortes de raisons…voir même le plus souvent sans AUCUNE raison. Un bébé c’est capricieux, c’est bien connu !
Quand cela fait seulement 40 ans qu’on reconnait aux bébés la capacité de ressentir la douleur, on commence à comprendre pourquoi aujourd’hui on refuse encore « le droit » aux chevaux de souffrir du froid.
Si votre cheval a froid, il a tout simplement besoin d'être couvert (ou rentré "au chaud")
Je sais que ça ne plaira pas aux personnes « anti-couverture » mais c’est un fait, quand on a froid on se raidit, on crispe ses muscles et les muscles étant reliés aux os, cela a forcément un impact sur les articulations. On se retrouve donc rapidement avec des douleurs musculo-squelettiques parfois tellement importantes que l’on peut à peine bouger. Ceci n’est pas de l’anthropomorphisme mais un fait, valable autant pour l’homme que pour n’importe quel animal.
Les chevaux que l’on monte et qui sont trop « chauds » en hiver, les « bonds de gaieté » qui surviennent spécifiquement les jours de grand froid, c’est UNIQUEMENT lié à un cheval qui a non seulement été enfermé la plupart du temps, mais c’est surtout un cheval qui a un dos contracté (et qui a probablement des douleurs à cause de ça). Bien entendu, les chevaux peuvent aussi « se défouler » en été quand tout va bien, et heureusement ! Mais si vous notez une différence flagrante de comportement entre les jours de beau temps et les jours de froid piquant, la température est la réponse. D’ailleurs lors des périodes de grande chaleur, nos chevaux sont amorphes (comme nous !) et il ne vient à l’idée de personne de renier que c’est encore une fois la température le problème de fond.
Fut une époque où je montais beaucoup. Vraiment beaucoup. Et j’avais la chance qu’on me confie régulièrement des chevaux de mon écurie (généralement les chevaux compliqués). Étrangement, ma jument Cambridge (un pur sang avec beaucoup d’énergie) n’était pas particulièrement plus compliquée en hiver. A l’époque je ne me posais pas vraiment la question du pourquoi. Il faisait froid, elle avait une couverture à l’écurie et un couvre-rein dès que j’ôtais cette couverture. J’ai encore des vidéos de nous, dressant sous la neige. Quel merveilleux souvenir. Petit à petit, j’ai fini par avoir une réponse systématique aux chevaux trop chauds en hiver : le couvre-reins. Magique. Selon certains, ça endormirait les chevaux de les couvrir ainsi. Pour moi, ça les remet simplement dans une situation de confort qui les rend de nouveau disponibles au travail…car détendus physiquement. D’ailleurs, sauf lorsque le froid est particulièrement intense et/ou que le cheval est tondu, on ne laisse jamais un couvre-rein durant toute la séance, il ne sert que le temps de l’échauffement.
En matière de chaleur, il faut bien comprendre une chose
Si nos chevaux survivent si bien à l’hiver, c’est grâce au foin et à leur alimentation, pas grâce à leurs poils. La chaudière du corps du cheval, c’est son intestin (la création du fameux méthane qui pollue tant chez les vaches). Le poil a uniquement un effet déperlant et isolant. La création de chaleur chez un cheval au repos est UNIQUEMENT due à la digestion. Et plus il dispose de fibres sèches en hiver, plus il va générer de chaleur, et mieux il luttera contre le froid. Lors du mouvement, l’activité musculaire va aussi générer de la chaleur, mais cette chaleur est rapidement évacuée par évaporation grâce à la transpiration.
On parle sans arrêt d’une fonction du poil qui est altérée avec la couverture : son érectabilité. L’érectabilité du poil chez l’être humain, c’est ce qu’on appelle aussi la « chair de poule ». La chair de poule, c’est quand on a froid. C’est PARCE qu’on a froid. Si le poil de notre cheval se hérisse, c’est en réponse au froid : c’est d’abord son cerveau qui réagit à la sensation de froid et qui envoie l’ordre au système pileux de se redresser. C’est un des mécanismes connus de la thermorégulation.
L’autre phénomène bien connu lorsqu’il fait froid, c’est le tremblement. J’ai entendu de nombreuses fois « le cheval ne tremble pas parce qu’il a froid : il tremble pour se réchauffer, c’est normal il faut le laisser faire, c’est un mécanisme naturel ».
Soyons clairs, l’humain AUSSI tremble pour se réchauffer. Et c’est bien parce qu’il a froid (ou qu’il a subit un choc, mais ça c’est un autre problème). En réalité, le tremblement est le DERNIER mécanisme de SURVIE pour lutter contre le froid !!! Quand on en est au stade du tremblement, c’est que l’organisme lutte pour ne pas tomber en hypothermie. Il cherche simplement à…éviter de mourir ! Ceci est aussi valable pour notre ami cheval, de même que pour le chien et bien d’autres espèces.
Lors d’un tremblement, les muscles peuvent se contracter jusqu’à 10 fois par seconde. Cela va réchauffer l’organisme aussi bien qu’une activité physique intense : le muscle peut alors générer jusqu’à 5 fois plus de chaleur qu’au repos. Mais cela a un coût : non seulement trembler épuise littéralement l’organisme (c’est un effort particulièrement violent), mais cela a aussi d’importantes conséquences sur l’appareil ostéo-articulaire. Lorsque l’organisme fonctionne de manière optimale, le tremblement peut durer des heures. Mais au fur-et-à-mesure que l’énergie disponible s’épuise, le tremblement diminue puis s’arrête. La température corporelle va alors chuter rapidement. Ainsi, dans la nature, un cheval qui se mettrait à trembler n’aurait vraisemblablement plus beaucoup de temps à vivre, sauf si la température s’adoucissait radicalement d’un coup. Et comme je l’ai souligné plus haut, les crises de tremblement ont un impact parfois dramatique sur les muscles et les articulations.
Certaines études ont estimé l’espérance de vie chez des mustangs sauvages entre 8 et 12 ans…5 ans dans d’autres études. C’est jeune pour des animaux réputés tellement résistants naturellement. On sait que chez l’homme, le taux de mortalité augmente de 10% lorsque la température avoisine -5°C. Et, fait intéressant, les décès interviennent souvent APRES les pics de froid. En clair, les personnes faibles sont affaiblies par le froid et certaines ne s’en remettent pas.
Ce qui maintient nos chevaux en vie si longtemps, ce sont principalement ces trois facteurs :
- une alimentation adéquate,
- des soins vétérinaires adaptés
- et la protection face aux intempéries.
Pourquoi certains chevaux transpirent-ils lorsqu'on leur met une couverture imperméable l'hiver ?
Chez certains chevaux, une couverture donnera tout simplement trop chaud et les fera transpirer. Pour d’autres, c’est la couverture en elle-même qui ne va pas. Quoi qu’il en soit, plusieurs questions peuvent se poser :
- Mon cheval avait-il réellement besoin d’être couvert ?
Si c’est humide, ce n’est pas normal. Et parfois, c’est juste un problème de couverture qui a perdu son étanchéité !
- Si effectivement mon cheval a besoin d’être couvert, la couverture correspond-elle à ses besoins ? N’est-elle tout simplement trop épaisse par rapport à la température extérieure ? Ou encore la température a-t-elle augmenté ?
- Il y a un autre cas, lié au type de couverture utilisée.
Si vous utilisez une couverture imperméable sans doublure, c’est-à-dire une 0g (et c’est aussi parfois vrai pour les 50g), dans la plupart des cas elles retiennent l’humidité emprisonnée. C’est exactement comme lorsque vous portez un K-way à même la peau : vous finissez trempé dessous, et pourtant vous n’avez pas forcément chaud. Souvent même, cette humidité retenue vous donne encore plus froid. Pour nos chevaux c’est pareil.
Pour ma part, je n’utilise plus jamais de couverture uniquement imperméable. Même mon poney que je pensais particulièrement rustique s’accommode très bien d’une couverture de 200g quand l’air ambiant est vraiment humide et froid.
En résumé, si votre cheval craint le froid, mieux vaut parfois pas de couverture qu’une couverture de mauvaise qualité ou mal adaptée. Dans ce cas là, il doit impérativement disposer d’un abri paillé et à l’abri des courants d’air.
Nos chevaux n'ont pas la parole...
Laissez-moi faire une petite analogie purement anthropomorphique :
J’ai fait une formation de 4 jours pour apprendre à créer ce site internet. Il a gelé durant quelques semaines, ce qui est plutôt rare dans la région où je réside. Le 4ème et dernier jour, il y a eu un bug informatique : le chauffage a été coupé toute la journée. Bien entendu, nous avons tous eu froid…et nous nous en sommes plaints une bonne partie de la journée. Je précise que nous en avons beaucoup ri car l’ambiance était vraiment bonne, mais nous ne le vivions tout-de-même pas très bien.
Au milieu de l’après-midi, je me suis fait cette réflexion : nous avions toujours froid, mais nous avions arrêté de nous plaindre. Pour ma part, j’avais les mains gelées (ce qui est particulièrement désagréable quand on travaille sur un ordinateur). Les muscles de tout le corps étaient raides. Mais je faisais avec. De toute façon, à part râler, il n’y avait rien de plus à faire (si ce n’est rentrer chez moi et manquer la fin du cours). C’est ce qu’on appelle la résilience, cette capacité à supporter des choses désagréables, voir carrément à supporter et surmonter de gros traumatismes.
Ce jour là j’ai longuement pensé à nos chevaux dans la même situation. Nous qui avions la parole avions râlé durant quelques heures, puis nous nous étions tus. Nous avions accepté la situation et nous avons simplement continué à faire ce que nous faisions. C’est là que cette phrase m’ sauté à la figure : nos chevaux, eux, n’ont pas la parole.
Nos chevaux n'ont pas la parole...par contre ils ont une capacité de résilience extraordinaire
En effet, nos chevaux s’accommodent d’absolument tout ! Ça ne veut pas dire qu’ils finissent par accepter de bon cœur ce qu’ils acceptent…mais simplement qu’ils l’acceptent plus rapidement que nous. Et sans broncher. Quand ils ont froid, ils restent prostrés dans un coin. Parfois certains « explosent » quelques minutes. Et c’est tout. Ils attendent que ça passe. Et quand il fait chaud c’est exactement pareil. Il n’y a qu’à voir les chevaux sauvages de Namibie (vous pouvez cliquer ici pour voir le documentaire d’Arte) qui supportent des heures au soleil en plein milieu du désert, à des températures pouvant aller jusqu’à 40°C (le ressenti au sol allant jusqu’à 70°C). Et la température peut chuter en quelques heures jusqu’à 0°C. Que peuvent-ils y faire ? Rien si ce n’est attendre que ça passe. La question ne se pose même pas, c’est comme ça.
Le chaud comme le froid, pour les chevaux de Namibie comme pour nos chevaux domestiques, c’est quelque chose sur lequel ils n’ont pas de prise. Ils font avec et s’en accommodent très bien. Enfin plus ou moins d’un cheval à l’autre. De toute façon ils n’ont pas le choix : ils ne savent pas agir sur la météo.
Le secret des chevaux de Namibie pour supporter 70° au soleil ? La résilience : ils se contentent de rester immobiles et ne s’animent que lorsque la chaleur devient supportable. L’autre secret, c’est une importante sélection génétique naturelle. La plupart des poulains meurent dès la première année. Les adultes sont donc issus des 50% qui ont été capables de résister à ces situations extrêmes et pourtant habituelles pour eux. Et si vous pensez que comme ils vivent dans le désert, c’est le manque d’alimentation qui les tue, il s’avère que non, ils ont tous un indice corporel plus que correct. Leurs ennemis sont les prédateurs…et le climat.
A l’inverse, le poneys de Sibérie supportent très bien des températures pouvant aller jusqu’à -70°C. Encore une fois, c’est une affaire de prédisposition et de sélection génétique. Si j’avais un tel poney dans mon troupeau, il ne me viendrait certainement pas à l’esprit de le couvrir en hiver. Etre « pour » la couverture ne veut pas dire vouloir couvrir à tout prix : cela signifie couvrir quand on estime que c’est nécessaire, ou que ça apportera un vrai plus au cheval en terme de confort.
Mais justement, qu'en est-il de la notion de confort ?
Pour l’anecdote, je couvre mes juments tous les ans en hiver. L’an dernier (hiver 2021) c’était la première fois que je couvrais mon poney Tristam avec une vraie couverture chaude…et ce durant tout l’hiver. Il avait su me faire comprendre qu’il avait vraiment froid. J’ai toujours été « pro-couverture » et naïvement je pensais qu’il n’en avait pas besoin car lui, il était rustique ! Il a su me faire comprendre par son attitude qu’il était juste plus endurant à la douleur…mais que cette année il fallait que ça change. Il a passé plusieurs jours avec Utopia à m’attendre sous la pluie, devant le portail. Il était vraiment exécrable. Il a toujours eu beaucoup de caractère, mais il a toujours été extrêmement gentil. Là lorsque j’allais le voir, je sentais qu’il était hors de lui et je ne comprenais pas pourquoi. Naïvement, je pensais que s’il avait froid, il irait se réfugier sous l’abri. Je n’ai donc pas pensé à ce problème…jusqu’à ce que je glisse mes doigts sous son épaisse couche de poils complètement trempée : il était absolument glacé. J’ai compris trop tard qu’au final sous l’abri, il ne faisait pas plus chaud que dehors ! A l’instant même où il a eu sa couverture sur le dos, son attitude a changé, il est redevenu lui-même, clairement apaisé, et il est reparti manger son foin sous son abri ! Et je ne l’ai pas revu au portail de tout l’hiver.
Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : je ne prétends pas qu’il faille absolument couvrir tous les chevaux. Loin de là. Et d’ailleurs tout dépend de la période et de la région dans laquelle vous vivez. Un cheval québécois qui a 10cm de poils va beaucoup mieux supporter un froid sec qu’un cheval qui ne fait pas de poils et qui vit en permanence à 2° sous la pluie, avec les pieds dans la boue. Dans la plupart des régions de France, c’est l’humidité permanente qui va surtout poser problème.
L’année dernière, il a plu absolument tout l’hiver sans discontinuer. Cette année par contre (hiver 2022-2023) j’ai couvert Tristam durant une courte période par pure prévention lors des périodes de gel. Ça a duré tout au plus une semaine. Vu la température extérieure, je savais que de toute façon il n’aurait pas « trop chaud ». Et surtout, le souvenir de ce qui lui est arrivé il y a quelques années me fait préférer la prévention à des principes basés sur mes croyances (mon poney a plus de poils donc il n’aurait pas besoin d’être protégé).
Ping : La fourbure d'hiver - Catherine Seingry Equiholistique